Texte reçu sur la boîte mail :
Officiellement, les forces de police et de gendarmerie assurent leur mission de maintien de l’ordre en s’assurant de respecter un code de déontologie qui subordonne leur action au strict respect de la Déclaration des droits de l’Homme et du citoyen, de la Constitution, des conventions internationales et des lois, et exige notamment intégrité, impartialité, aide et assistance aux personnes.
Dans la zone frontalière franco-italienne, nous nous interrogeons sur la confiance à accorder à ce bel engagement officiel des forces de l’ordre. Il arrive à l’occasion que des agents en uniforme conduisent certains « migrants » depuis la haute montagne, Névache par exemple, jusqu’à Briançon (où la MJC fait encore pour quelques jours office de CAO). Mais des événements récents ont écorné la jolie carte postale. Dans la nuit du vendredi 18 août, deux marcheurs nocturnes sans lampe arrivant d’Italie dans le secteur du col de l’Echelle ont été poursuivis par une équipe de police jusqu’à chuter d’une falaise d’environ quarante mètres. Ils sont à présent à l’hôpital, l’un des deux dans un été grave en service de neuro-chirurgie. Dans une zone de haute montagne, de nuit, une telle chasse à l’homme constitue une mise en danger inhumaine et injustifiable de personnes vulnérables dont le tort vraisemblable est de chercher asile sur le sol français.
Le renforcement actuel du dispositif policier dans les Hautes-Alpes (renforts d’une dizaine de camionnettes et véhicules légers observés aujourd’hui à Briançon, multiplication des contrôles et blocages sur la principale ligne de train) ne pourra qu’aggraver une situation déjà difficile pour ceux qui cherchent refuge ici. Les contrôles et la « fermeture » des cols les plus accessibles en amont de Briançon déplaceront mécaniquement les passages vers des cols physiquement plus difficiles d’accès, accroissant ainsi les prises de risque pour les « migrants » marqués par de longs mois ou années de violences subies en route. Le déplacement des passages vers des zones plus dangereuses suppose le déploiement croissant de personnels de secours en montagne. La « fermeture » des passages les plus évidents fera sans doute aussi le bénéfice des passeurs qui partageront les informations sur les voies alternatives contre une dépense supplémentaire pour les personnes qui espèrent peut-être passer la frontière. Chaque nuit, chaque jour, les candidats à l’asile en France sont illégalement refoulés à pied vers l’Italie dans un jeu policier répétitif dont on se demande s’il vise autre chose qu’à épuiser les voyageurs concernés ou à les rendre fous.
Quant à « l’enregistrement » systématique des mineurs (et majeurs) au commissariat exigé par le préfet et assuré par ses agents zélés, rappelons que rien ne le justifie et qu’au contraire, les textes légaux de référence (code de l’action sociale et de la famille) s’y opposent. Il constitue un abus policier répété, une infraction, un ensemble d’actes illégaux passibles de poursuites judiciaires contre l’administration qui décide cette mesure et l’agent qui l’exécute. Un mineur isolé a des droits en France et ses droits sont les mêmes qu’il soit étranger ou non. Il doit absolument être considéré comme mineur s’il le déclare jusqu’à ce que les services sociaux vérifient cela (et non pas la police). Il a le droit d’être soigné, logé, nourri, et orienté vers la suite son parcours (scolarité, apprentissage, etc) et de ne pas subir d’entretien forcé ou de rétention par des agents armés connus pour souvent reconduire en Italie (illégalement) ceux qu’ils ont attrapés.
Exiger d’enfants qu’ils se soumettent à un entretien policier, au cours duquel des éléments de récit leur sont aussi demandés illégalement, constitue une violence de plus contre des enfants qui ont besoin d’une protection réelle et pas d’être traités comme des délinquants.
Si la police a exécuté ces dernières semaines l’exigence du préfet d’enregistrer ces mineurs/enfants isolés au commissariat, elle demande désormais qu’ils soient accompagnés de bénévoles ou personnels accompagnants à qui sera aussi demandé leurs coordonnées. Cette opportunité de fichage des accompagnant-es pourrait permettre d’éventuelles mises sous pression et poursuites contre des personnes solidaires des exilés confrontés aux frontières.
Les menaces contre les solidarités se renforcent. Ce samedi matin, des voisins d’un col transportant un mineur vers la ville la plus proche se félicitaient d’avoir pu échapper à un « barrage » comme un autre véhicule était alors fouillé. La stratégie d’intimidation par la criminalisation s’installe, visant à dénouer les liens d’amitié et les actes de simple solidarité.
A quel moment pouvons-nous et devons-nous refuser de nous soumettre aux abus policiers contre des enfants, et plutôt résister à des injonctions illégales, injustifiées et graves ?
Les « migrants » doivent pouvoir entrer sur le territoire pour y demander la protection qu’ils souhaitent sans aucune mise en danger.
Les mineurs doivent être immédiatement pris en charge par les services de l’état et les associations impliquées ou non dans la « gestion » sans avoir à subir d’interrogatoire policier ni être limité dans leur circulation vers le lieu de leur choix.
Les solidarités avec les personnes vulnérables, étrangères ou non, doivent être encouragées et soutenues et non criminalisées.
Ne collaborons pas avec les violences de l’état et de ses hommes en armes, aux frontières et partout ailleurs. Résistons.
De la part de quelques-un-es d’entre nous, aux côtés de cell-eux qui voyagent
Dans ce texte, les mentions des personnes en exil sont surtout masculinisées car la réalité actuelle ici fait apparaître des visages presque tous masculins. Les causes sont nombreuses à cette quasi-absence de femmes migrantes arrivant jusqu’ici, notamment le rapt et la prostitution forcée d’un grand nombre d’entre elles durant leur long exil.